Quel est le statut juridique de l’eau et de l’assainissement en tant que droits de l’homme ? Réponses à vos questions

Le 28 juillet marque le 10ème anniversaire de la reconnaissance des droits humains à l’eau et à l’assainissement. 10 ans et 12 résolutions plus tard, ce blog répond aux questions les plus courantes sur le statut juridique de l’eau et de l’assainissement en tant que droits humains dans le droit international et national.

Le 28 juillet 2020 marque le 10ème anniversaire de la reconnaissance des droits humains à l’eau et à l’assainissement. 10 ans et 12 résolutions plus tard, ce blog répond aux questions les plus courantes sur le statut juridique de l’eau et de l’assainissement en tant que droits humains dans le droit international et national.

Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution A/RES/64/292, qui « reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». 122 États membres de l’ONU ont voté pour le texte et aucun n’a voté contre ; 41 se sont abstenus.

Plus tard dans la même année, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies – le principal organe intergouvernemental des droits de l’homme des Nations unies – a adopté la résolution A/HRC/15/9 par consensus. Elle « affirme que le droit fondamental à l’eau potable et à l’assainissement découle du droit à un niveau de vie suffisant et qu’il est indissociable du droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi que du droit à la vie et à la dignité ».

Depuis la résolution A/RES/70/169 de l’Assemblée générale en 2015, l’eau et l’assainissement sont reconnus comme deux droits humains distincts.

Qu’est-ce que mon gouvernement a signé en ce qui concerne son obligation de réaliser les droits humains à l’eau et à l’assainissement ?

L’obligation d’un gouvernement en vertu du droit international des droits humains dépend des traités sur les droits humains qu’il a ratifiés. Comme l’indique clairement la résolution A/HRC/15/9, les droits humains à l’eau et à l’assainissement “découlent” du droit humain à un niveau de vie suffisant ou en font partie. Ce droit est garanti par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). 171 pays ont ratifié ce traité.

Le droit humain à un niveau de vie adéquat est également contenu dans l’article 27 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), ratifiée par 196 pays, et dans l’article 28 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), ratifiée par 182 pays.

Vous pouvez trouver sur ce site les traités internationaux relatifs aux droits humains que votre pays a ratifiés.

La ratification signifie qu’un pays a accepté d’être lié par un traité. L’adhésion, l’acceptation et l’approbation sont synonymes de ratification. Après la ratification, un pays est un État partie à ce traité et est tenu de réaliser progressivement les droits humains en matière d’eau et d’assainissement, ce qui signifie qu’il doit être en mesure de montrer qu’il s’efforce de rendre les services accessibles à tous. Un pays peut également devenir “signataire” d’un traité. Les signataires promettent d’examiner la ratification et ne doivent donc pas agir à l’encontre du traité, mais ils ne sont pas encore liés par celui-ci.

Si votre pays est l’un des rares à ne pas avoir ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant ou la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les droits humains en matière d’eau et d’assainissement peuvent encore être pertinents. Comme l’indiquent les résolutions sur les droits humains à l’eau et à l’assainissement, ces droits sont “inextricablement liés (…) au droit à la vie et à la dignité humaine”. Il est donc possible de défendre les droits humains à l’eau et à l’assainissement en se basant sur des traités qui reconnaissent des droits nécessitant l’accès à l’eau et/ou à l’assainissement, tel que le droit à la vie.

Comment mon pays devrait-il intégrer les droits humains à l’eau et à l’assainissement dans la législation nationale, et ces droits devraient-ils être inclus dans la constitution?

Sur la base du droit international des droits humains, les pays doivent mettre en œuvre les droits humains étant inclus dans un traité qu’ils ont ratifié. La législation est un moyen d’y parvenir et est explicitement mentionnée dans le PIDESC, mais les pays sont généralement libres de décider comment ils réalisent les droits humains.

Dans le langage des traités, cela s’exprime comme suit :

« Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir (…) au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives » (article 2.1 du PIDESC).

La valeur des obligations internationales pour la défense des droits au niveau national réside dans le fait qu’elles placent l’existence d’un droit humain au-dessus de toute discussion : Si votre pays a ratifié le PIDESC, l’État a la responsabilité de réaliser progressivement des services pour tous, en utilisant tous les moyens à sa disposition !

Le droit international des droits humains n’oblige pas à inclure les droits humains garantis au niveau international dans la constitution nationale. Une telle obligation serait également peu pratique, car les changements constitutionnels prennent généralement beaucoup de temps à se développer et requièrent des majorités plus importantes au parlement que les modifications d’une loi.

Au lieu ou en marge d’une garantie constitutionnelle, l’application des principes des droits humains aux règles, rôles et responsabilités existants au sein du gouvernement peut être une voie plus rapide et plus efficace pour progresser dans la réalisation des droits humains à l’eau et à l’assainissement. Les principes des droits humains que sont l’égalité et la non-discrimination, la participation, la transparence et l’accès à l’information, la responsabilité et la durabilité, peuvent être appliqués pour interpréter toute règle ou processus gouvernemental, ce qui améliorera la manière dont les services sont planifiés, mis en œuvre et maintenus. Par exemple, si le suivi de l’accès à l’eau et à l’assainissement est désagrégé en fonction des inégalités courantes dans un pays donné, les processus de planification gouvernementaux peuvent prévoir de s’attaquer à ces inégalités et de vérifier si elles se réduisent.

Idéalement, un système juridique national est structuré de sorte à être orienté vers la réalisation de services pour tous, le plus rapidement possible. Chaque niveau hiérarchique d’un système juridique national peut y contribuer, comme le précise le chapitre sur les cadres du Manuel sur la réalisation des droits humains à l’eau et à l’assainissement. En résumé :

  • La Constitution est la « loi » du niveau le plus élevé. Cela signifie qu’aucun autre instrument juridique (lois, règlements, etc.) ne doit enfreindre la constitution.

Toutefois, une garantie constitutionnelle du droit à l’eau ne suffit pas à elle seule à améliorer les services. Selon une étude portant sur un échantillon mondial de 123 États (disponible en Anglais) sur une période de 15 ans (1) « la constitutionnalisation du droit à l’eau (…) dans les seules constitutions nationales n’est pas associée à des avantages matériels liés au droit humain à l’eau, mais (2) la constitutionnalisation de ces droits peut avoir des avantages matériels positifs pour l’accès à l’eau lorsque ces droits sont mis en avant dans la gouvernance démocratique ».

En d’autres termes, les constitutions ne contribuent au changement que s’il existe un discours entre les personnes et les institutions sur la réalisation de services pour tous.

  • Les lois et règlements fournissent plus de détails sur la manière dont les services doivent être fournis. Les droits humains doivent être inscrits dans des lois et règlements afin d’ancrer le principe de l’accès universel, en donnant la priorité aux populations marginalisées et vulnérables.
     
  • Les politiques, plans et stratégies fournissent des détails sur « la façon dont les choses sont faites dans la pratique quotidienne du travail ». Il s’agit de la couche la plus facile à adapter aux droits humains, car il est plus facile d’engager les fonctionnaires sur les défis de l’accès et d’influencer la pratique pour qu’elle soit plus conforme aux droits humains.

Travailler avec les droits humains dans la pratique du secteur Eau, Assainissement et Hygiène (WASH en Anglais)

Dix ans après la reconnaissance des droits humains à l’eau et à l’assainissement aux Nations unies, de nombreux acteurs du secteur WASH utilisent ces droits dans leur travail quotidien pour façonner le discours avec les responsables porteurs de devoirs.

Par exemple, les fonctionnaires locaux chargés de la réalisation des services sont prêts à agir sur la base des droits humains dès lors qu’ils comprennent comment cela peut améliorer leur travail, comme le montrent les expériences de l’approche « Making Rights Real ». Cette approche aide les organisations de la société civile à engager les fonctionnaires des gouvernements locaux à relever les défis systémiques des services WASH, en utilisant les principes des droits humains pour plaider en faveur d’une amélioration de la manière dont les institutions locales remplissent leur rôle dans la réalisation des services.

Au Burkina Faso, les défenseurs des droits humains ont fait pression avec succès pour que les droits à l’eau et à l’assainissement soient inclus dans le processus de réforme constitutionnelle de 2015. Suite à son adoption, le secteur WASH s’appuie désormais sur la garantie de l’article 18 de la Constitution pour sensibiliser les populations à leurs droits et exiger leur réalisation de la part des responsables. Dans le cadre d’une campagne mondiale, les membres de l’association End Water Poverty cherchent à reconnaître la responsabilité et faire rendre des comptes pour les violations des droits humains à l’eau et à l’assainissement en exhortant les gens à revendiquer leurs droits à l’eau et à l’assainissement.

Dix ans après la reconnaissance des droits humains à l’eau et à l’assainissement par l’Assemblée générale des Nations unies, il est temps de mettre l’accent sur l’application de ces droits et des principes qui les sous-tendent dans la pratique quotidienne des institutions gouvernementales. Les garanties ou engagements inscrits dans les constitutions, législations, politiques et autres documents sont un indicateur important de la volonté politique – mais en fin de compte, la réalisation se produit lorsque la pratique quotidienne des institutions intègre les droits humains. En tant que défenseurs des droits humains, c’est là que nous pouvons faire pression en faveur d’un changement qui apportera des progrès significatifs sur l’ODD 6 !

Le travail sur la réalisation des droits de l’homme au niveau local et par toutes sortes d’acteurs du secteur WASH reçoit actuellement trop peu de reconnaissance et de soutien. La campagne #MakeRightsReal vise à attirer l’attention sur les progrès réalisés à ce niveau. Plus il y aura d’histoires partagées sur les efforts pour faire réaliser les droits de l’homme au niveau local, plus l’attention, et finalement le soutien, seront dirigés vers les niveaux où ils sont le plus nécessaires.

Ceci est un article invité (ou « guest blog ») de Hannah Neumeyer, responsable des droits humains à WASH United. Merci à Louisa Gosling, Vincent Casey, Landry Wendsomdé Ouangre, Virginia Roaf, Laura van de Lande et Naomi Carrard de m’avoir posée des questions et partagé leurs points de vue.

Author: RWSN Secretariat

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